18 Septembre 2020- Une nouvelle publication de recherche de l’EDHEC Infrastructure Institute dont les conclusions sont reprises dans leur intégralité par le rapport de Commission d’enquête du Sénat sur « le contrôle, la régulation et l’évolution des concessions autoroutières » publié le ce jour, met en lumière l’archaïsme de la réglementation des péages dans les concessions d’autoroutes en France, et appelle à ne pas attendre encore 20 ans pour remédier à une situation avant tout préjudiciable aux usagers.
Le rapport de Commission d’enquête du Sénat met en avant des chiffres publiés par l’Autorité de Régulation des Transport (ART) le 31 Juillet 2020, selon lesquels le rendement global (à la fois historique et attendu) du capital des concessions autoroutières en France serait entre 6.4% et 7.8%. Si on ajuste ces chiffres pour prendre en compte le rendement de la dette sur les bilans des différents concessionnaires, on obtient un rendement moyen des fonds propres entre 27% et 35%. Cette belle performance financière à une contrepartie : la cherté des péages perçus sur les autoroutes concédées françaises.
Dans une nouvelle publication de l’EDHEC Infrastructure Institute intitulée « Le coût du capital dans les concessions autoroutières en France – Pour une approche moderne de la réglementation des péages », Noël Amenc et Frédéric Blanc-Brude montrent que de tels niveaux de rentabilité ne sont pas justifiables au regard des risques encourus par les concessionnaires et ne correspondent pas aux primes de risque observables sur les marchés d’investissement dans les infrastructures privées.
S’appuyant sur une base de données qui permet de mesurer le coût du risque pour différent types de projets d’infrastructure au cours du temps, les auteurs démontrent que le coût moyen pondéré du capital (CMPC) des concessions autoroutières en France a baissé d’un niveau moyen de 6% à 2% en dix ans, du fait de la hausse des prix de ce type d’actifs, très convoités par les investisseurs (ce qui induit une baisse de la prime de risque), et de la baisse permanente du coût de la dette doublée d’une augmentation de l’endettement de ces sociétés.
« C’est ce CMPC qui détermine les augmentations de péages négociées avec l’Etat, rappelle Noël Amenc : plus le CMPC est élevé, plus les péages doivent augmenter pour couvrir les nouveaux travaux. Depuis 10 ans, l’Etat et l’ART acceptent un CMPC très élevé, entre 6 et 8%, ce qui permet de justifier des augmentations de péages sans commune mesure avec la réalité du cout du risque pour les actionnaires. »
L’étude démontre que si un coût du capital plus proche de la réalité du marché était utilisé par l’Etat dans ces négociations, les péages demandés aux usagers pourrait être considérablement plus bas. « Avec un point de pourcentage de CMPC en moins, on pourrait baisser en moyenne les péages de 15% conclut Frédéric Blanc-Brude. En fait le taux utilisé par le ministère des transports est plusieurs points de pourcentages au-dessus du coût du risque réellement supporté par les actionnaires. »
Dans son rapport, le Sénat appelle à ne plus renouveler ou allonger ces contrats et à chercher un nouveau modèle, y compris des clauses de revoyure qui permettrait de prendre en compte l’évolution du coût du capital des investisseurs privés mais malheureusement renvoie cette nécessaire évolution au terme des contrats existants.
« On ne peut que regretter que les négociations sur l’allongement de la durée des contrats des concessions accordées en 2015 n’aient pas permis de réformer ceux-ci pour les rendre plus équitables. Sachant que celles-ci ont encore 20 ans de revenus à percevoir, on peut imaginer une attitude du législateur un peu moins attentiste, ce qui permettrait de retrouver plus tôt un juste prix des péages payés par les automobiliste français » concluent Noël Amenc, Professeur à l’EDHEC Business School et Frédéric Blanc-Brude, Directeur de EDHECinfra.